Comment rêvent les ados?
Les grands changements de l’adolescence se répercutent jusque dans les rêves.
Entrevue avec le Dr Roger Godbout, chercheur spécialiste du sommeil et de la santé mentale à l’Université de Montréal.
Curium : Nos rêves changent-ils à l’adolescence?
Roger Godbout : Oui. On rêve moins à des animaux, et davantage à des interactions sociales. En fait, à partir de 13-14 ans, les rêves ressemblent à ceux des adultes. Ils deviennent plus émotifs, et nous mettent davantage en scène.
Curium : Faut-il porter une attention particulière à ces changements?
R. G. : Les rêves sont utiles à tous les âges. Quand on s’y intéresse au quotidien, ils permettent de mieux se comprendre. C’est super pratique lors d’un pépin ou d’un conflit par exemple, car les rêves permettent de mettre le doigt sur ce qui nous dérange.
Curium : Devrait-on laisser un Dictionnaire des rêves au bord du lit?
R. G. : Surtout pas! C’est de la foutaise. Pour comprendre ses rêves, il ne faut rien forcer. On les note au réveil, tout simplement. En les relisant régulièrement, on établira des liens avec ce qu’on vit dans le jour. La signification émergera d’elle-même.
Il n’existe pas d’interprétation universelle. Pour moi, un oeuf, c’est de la nourriture. Mais pour quelqu’un d’autre, ça peut symboliser un projet, un oncle fermier ou une passion pour l’ornithologie!
Curium : Si je rêve à des choses très, très étranges… Est-ce que je devrais consulter?
R. G. : Non. À part si on vit un mal-être le jour ou si on fait des cauchemars récurrents. Le rêve est une sorte de caricature de ce qu’on vit intérieurement. Un peu comme si notre cerveau écrivait nos préoccupations en caractères gras et rouges, 48 points, soulignés et surlignés, mais dans une langue qu’on ne maîtrise pas. Dans 80 % de nos rêves, ça se passe mal. On se fait courir après, on veut parler mais on n’y arrive pas. Selon une hypothèse que je trouve intéressante, on se pratiquerait ainsi à faire face à l’adversité.
Curium : Les rêves dévoilent-ils nos préoccupations secrètes?
R. G. : Oui, en quelque sorte! Pendant le jour, le lobe frontal de notre cerveau filtre beaucoup de choses. Il est cependant inactif lorsqu’on rêve. Les régions cérébrales liées aux émotions et à la mémoire ont donc le champ libre. Une émotion ou un souvenir émerge, puis le rêve se construit autour. Même irrationnel, on lui donne du sens. Le rêve révèle ce qui nous préoccupe, sans le filtre du lobe frontal.
À QUOI SERVENT LES SONGES?
On sait que la privation de sommeil peut causer de l’anxiété, une prise de poids, une dépression et même des hallucinations. Mais les rêves, eux?
Quelques scientifiques soutiennent qu’ils n’ont aucune utilité. D’autres, comme Claudia Picard-Deland, leur attribuent au contraire plusieurs fonctions : «Ils renforcent la mémoire, ils mélangent des souvenirs lointains et récents de manière hyper créative, ils aident à réguler les émotions et à donner un sens à ce que l’on vit dans la journée.»
Trois autres hypothèses :
1. Chaque jour, le cerveau emmagasine des millions d’informations. Selon l’hypothèse de consolidation de la mémoire, les rêves aideraient à sélectionner les informations qui seront ensuite intégrées dans la mémoire à long terme.
2. Selon l’hypothèse de simulation de la menace, le rêve nous entraînerait à faire face aux événements désagréables de la vie. C’est ainsi que nos ancêtres chassaient ou fuyaient des crocodiles en rêve. Et que nous présentons des exposés oraux devant des amphithéâtres imaginaires!
3. L’examen commence alors qu’on n’a rien étudié. On marche dans la rue sans vêtements. Selon une hypothèse récente, les émotions suscitées par ces mises en situation nous inciteraient à faire ce qu’il faut, dans la vraie vie, pour éviter que la catastrophe se produise.
À lire dans le même dossier : Carnet d’un rêve lucide
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